Ce qui n’existe plus #1

Les serres d’Auteuil

Je descend les marches qui mènent au jardin. Juste après la grille d’entrée, on découvre une pelouse rectangulaire. Les allées sont symétriques. J’entend mes pas sur le gravier. Je longe la rangées d’arbres et les bancs verts à distance égale. Peu d’ombre à midi. La blessure des rayons me fait fuir, m’abriter en face dans la serre. D’autres marches, je pousse une grande porte et trouve la pénombre. La chaleur est humide, pas agressive, mi-épaisse mi-opaque. J’entends les cris d’oiseaux, je ne les vois pas, les chants s’interrompent net. Je suis l’intruse. Je n’ose plus bouger, à peine respirer. Puis j’avance doucement. Les cris reprennent. Je me sens un peu apprivoisée. Je m’arrête devant un bassin margé de blanc. J’aperçois de fins poissons gris-orange. Ils ondulent en suivant les contours, disparaissent sous les lentilles et les nénuphars. Je suis dans un silence griffé de sifflements et de clapotis. Je continue ma promenade, tâchant de ne pas trop faire crisser le chemin. Les palmiers à l’étroit semblent immenses, s’élèvent jusqu’à toucher la coupole. À l’instant je revois Prague, sa gigantesque cathédrale posée comme une arche sur la place, navire prêt à quitter le port pour le Nouveau Monde. Des ponts ne cessent de se dresser entre les continents. Les petites araignées déroulent des fils et tout devient clair au fond du brouillard. Toujours, tout est vrai.

Dans un coin, je m’assieds à une table en fer, blanche, dentelée. J’aperçois quelques perruches. Elles m’observent.

Quand la porte s’ouvre, laissant entrer d’autres étranges semblables, la magie s’estompe, des voix résonnent dérangeantes, les oiseaux se taisent, puis reprennent leur babil. L’église végétale a soudain perdu de son enchantement.

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